« J’étais en classe de philo. C’était l’année scolaire 1960-61. Un beau matin, quelqu’un avait crevé le tambour, ce bon vieux tambour qui rythmait notre vie de lycéens : sonnerie de réveil, sonnerie d’étude, de récré… De temps en temps, un surveillant nous autorisait à sonner à sa place. Quelle fierté, quel honneur pour celui qui fût choisi ! Alors précautionneusement, il élevait le lourd bâton et dès le coup d’attaque, devait faire ressentir le rythme. Chaque « élu » avait son propre rythme. J’avais le mien, je m’en souviens encore.
Mais voilà, quelqu’un avait crevé le tambour ! Qui ?… Pour nous, les « anciens », il ne pouvait s’agir que d’un bleu, un nouveau ! Ou à la rigueur, un jeune. Sûrement un bleu. Car seul un bleu était capable pareil sacrilège, seul un bleu pouvait ignorer le respect que tout un chacun avait envers le vieux tambour. Un jeunot n’oserait pas.
Bref, que des supputations, mais aucun indice. La sanction nous pendait au nez : P. S. générale (Privation de Sortie, le dimanche pour les internes) si le coupable ne se dénonçait pas. Quelqu’un devait se dévouer. J’étais le président élu du Comité des élèves cette année-là. Et Y Bun Sur, secrétaire général. D’un commun accord, nous nous décidions de nous dénoncer à la place du coupable, auprès du surveillant général, monsieur Frénoir, Chose promise, chose due : la sanction était levée … pour les autres. Mais pour montrer qu’il n’a pas été dupe, le « surgé » magnanime, ne m’avait collé qu’une demi P.S., soit quatre heures de colle, le dimanche matin suivant, pour Y Bun Sur et moi.
A propos, les copains, QUI a crevé le tambour, cette année-là ? … 37 ans après, le coupable peut bien dévoiler le secret car il y a prescription. Il me doit bien, un bon bol de « pho » pour m’être fait punir à sa place ! »
Phan Van Song dit ‘Marabout’
Source : Bulletin Yersin (N° Printemps 1998) de l’Amicale des Anciens Elèves du Lycée Yersin