Comme dans tous les lycées du monde, il existait au Lycée Yersin différents types de bizutage. Certains ‘soft’ étaient réservés aux nouveaux arrivants comme cadeau de bienvenue, une sorte de vaccination protectrice, quoi ! Une fois que tu y es passé, t’es bon.

D’autres bizutages, plus virulents, étaient utilisés pour apprendre les bonnes manières aux plus arrogants des néophytes. Souvent des enfants gâtés venant de Saigon qui n’avaient jamais vécu en communauté et qui n’avaient pas encore compris ce qu’était la solidarité.

Une des règles d’or, étant de ne jamais dénoncer les copains pour «sauver sa peau».

Le «Cirage»

Ce type de bizutage se pratiquait de préférence à la nuit tombée après le dîner et avant d’aller se coucher, lorsque la cour et les préaux étaient simplement éclairés par quelques lampadaires.

Il est exécuté par un nombre variable de participants selon la corpulence et la force de la victime désignée. Le but étant de l’immobiliser au sol, lui défaire sa braguette et de lui enduire le zizi de cirage noir, puis de disparaître dans la pénombre.

Une anecdote : un jour, un gars particulièrement belliqueux avait glissé ostensiblement un couteau à cran d'arrêt dans sa poche avec l'air de dire "le premier qui s'approche, il verra".
Finalement ... il y a eu droit au cirage ... trois soirs de suite!

Les «techniques» suivantes se pratiquent exclusivement dans les dortoirs, lieux propices à tous les coups tordus, au beau milieu de la nuit.

La «Bascule»

Cette opération consiste à faire sortir le sommier métallique des gonds qui le maintiennent en place, du côté de la tête de lit. Le sommier n’étant plus fixé, il repose simplement sur une mince latte, en équilibre instable. C’est le poids et les mouvements du dormeur qui feront le reste ...

Soudain dans le silence de la nuit, la chute brutale du lourd sommier et du matelas se fracassant contre le sol carrelé, annonce que le coup a réussi !

C’est l’une des punitions les plus gentilles.

Le «Vidage»

Cette opération présente plusieurs variantes selon la gravité de la faute commise.

Il faut rappeler qu’à Dalat, dans la nuit noire, il y a beaucoup de moustiques et que chacun veille à bien border sa moustiquaire sous le matelas pour s’assurer une nuit tranquille.

La version la plus soft consiste donc à défaire délicatement la moustiquaire du matelas.
Puis généralement à deux, en se mettant du même côté, on renverse le matelas sur le dormeur qui se retrouve plaqué au sol. Il est réveillé en sursaut, un peu abasourdi, mais comprend vite qu’il lui suffit de remonter son matelas pour poursuivre sa nuit brusquement interrompue.

La version plus hard, réservée aux durs à cuire, est la même, sauf qu’on ne va prendre la peine – au risque de réveiller le dormeur – de dégager la moustiquaire du matelas !

Alors là, le matelas dans sa chute entraine tout et déchire la moustiquaire dans les coins supérieurs, là où elle est accrochée aux supports.

La suite de la nuit sera quasiment impossible et pour les nuits suivantes, il faudra bricoler avec des élastiques pour fermer les trous béants, car à l’internat on n’a ni couturière, ni moustiquaire de rechange, en un claquement de doigts, comme chez papa et maman.

La «Douche»

Cette technique est assez simple mais a aussi plusieurs variantes.

Il suffit de se procurer un sac en plastique, plus ou moins gros, de le remplir d’eau du lavabo et de le percer de quelques petits trous. Ensuite, on balance le sac sur le toit de l’inévitable moustiquaire, et on attend que le goutte à goutte fasse son effet. Si le dormeur a le sommeil lourd, il peut se réveiller complètement trempé.

La version hard consiste simplement à remplacer l’eau du robinet par de la pisse.
Ni vu, ni connu.

En résumé, on était quand même des anges par rapport à ce qui se pratique aujourd’hui dans les lycées et hautes écoles françaises.